Petit parcours découverte de la commune de Saint-Hubert
par Richard Jusseret
Les villages étaient des possessions de l’abbaye de Saint-Hubert. Ils entrent dans l’histoire écrite notamment en 1129 (bulle du pape Honorius II).
Parcours conseillé : Saint-Hubert – Lorcy – Awenne – Mirwart – Arville – Hatrival - Vesqueville – Monastère d’Hurtebise - Saint-Hubert
Saint-Hubert
Aujourd’hui, nous avons quelques difficultés à nous imaginer le site sur lequel s’est installé un groupe de moines vers la fin du 7ème siècle.
Andage est un endroit particulièrement favorable tant aux objectifs d’évangélisation du monde rural poursuivis par l’Eglise qu’aux besoins d’un confort minimal: au cœur de l’Ardenne forestière, dans une clairière riche en sources, sur un versant exposé au sud, proche d’une ancienne chaussée romaine reliant Givet à Trèves. Tout y est en place pour se développer et pour y construire : le bois, le sable, l’argile, les pierres sont proches et en abondance.
L’initiative et la dotation de cette fondation reviennent à la famille carolingienne : Pépin II de Herstal et son épouse Plectrude. La direction est attribuée à Bérégise, aumônier de la famille. Les revenus sont assurés par un domaine couvrant Andage, Arville, Lorcy, Chirmont, Hatrival, Smuid.
Au même moment, un certain Hubert (~ 665- 727), proche aussi des Carolingiens, succède à Lambert sur le trône d’évêque du grand diocèse de Tongres-Maastricht. Celui qui allait devenir saint Hubert, déjà à l’origine de la fortune historique de Liège, est peut-être un des fondateurs de ce monastère en Ardenne. A partir de 815, l’abbaye rencontre de grandes difficultés et tombe en décadence. L’évêque Walcaud s’y intéresse et y entreprend une importante opération politique et religieuse. Il tient tout d’abord à développer le culte de saint Lambert comme patron principal du diocèse de Liège, alors en concurrence avec le culte de saint Hubert. Ensuite, il veut confirmer la présence liégeoise dans un territoire reculé peu ou mal christianisé encore. Pour ce faire, il y installe des moines bénédictins, les dote d’un vaste domaine et leur obtient, en 825, la translation du corps de saint Hubert de Liège à Andage. Saint Hubert devient l’objet d’un culte extraordinaire comme patron de l’Ardenne et des chasseurs, saint guérisseur de la rage. Ainsi, non seulement Andage deviendra Saint-Hubert, mais l’abbaye rétablie et richement dotée deviendra dans sa Terre et bien au-delà, tour à tour et tout à la fois : centre religieux et administratif, moteur commercial, moteur culturel, moteur industriel, jusqu'à sa vente le 10 octobre 1797.
Lorcy
Le long de la route reliant Saint-Hubert à Lorcy se trouve le site de l’ancienne église Saint-Martin. Celle-ci est considérée par les historiens comme l’église-mère (avant 700 ?) du domaine primitif cédé par Pépin II et Plectrude. Le site a été fouillé en 1971. Aujourd’hui un panneau informatif permet d’en savoir plus. Retenons qu’elle fut abandonnée en 1754, lorsqu’à la demande des habitants du village, l’évêque de Liège autorise sa démolition et la création d’un nouveau sanctuaire au centre du village. L’actuelle chapelle Saint-Martin a été édifiée vers 1878 en style néo-roman. Quittant l’église, on rejoint la route de Grupont.
Awenne
Il faut quitter la route de Rochefort pour rejoindre deux kilomètres plus loin le petit village d’Awenne, célèbre pour ses sabots et ses fontaines. Au bout de la rue principale se trouve l’église Saint-Martin (1881-1882), construite en style néo-gothique sur les plans de l’architecte Carpentier. Il est de tradition d’attribuer une origine ancienne aux églises placées sous le patronage de saint Martin (316-397) : une chapelle aurait été bâtie par les moines de Saint-Hubert au IXe siècle. Le visiteur ne peut manquer d’aller y admirer la statue de Saint-Sébastien, œuvre du sculpteur liégeois Guillaume Evrard (1709-1793), provenant de l’ancienne abbatiale de Saint-Hubert. Certains historiens d’art n’hésitent pas à qualifier cette sculpture de huitième merveille de la Belgique…
Mirwart
Revenant quelque peu sur ses pas, il faut prendre la direction de Mirwart.
Le château de Mirwart est déjà cité autour de l’an mil. Le château actuel date de 1710 (ancres millésimées sur la façade). Le château primitif était un castrum à motte, construit en bois, sur un éperon rocheux dans une boucle de la Lhomme. Il faisait partie d’une ligne de défense du duché de Luxembourg et du comté de Chiny contre le royaume de France.
Pour l’abbaye de Saint-Hubert, le voisinage du château et de sa seigneurie seront toujours sources de tensions. Le seigneur de Mirwart est l’avoué (vassal de l’abbé, chargé d’en défendre les intérêts et d’en protéger les biens) de l’abbaye. Depuis la fin du 14ème siècle, ce fief est organisé administrativement autour de trois fortifications - Lomprez, Villance et Mirwart. Parmi ses nombreux propriétaires, mentionnons les La Marck qui finiront par relever le nom des d’Arenberg.
Peu de temps après la démolition d’un premier château par l’abbé Thierry Ier de Leernes (1055-1086), celui-ci fait construire en 1085 le prieuré Saint-Michel. Il sera supprimé en 1551 par Jules III, à la demande de l’abbé. Dans la foulée de cette fondation, d’autres prieurés vont être créés à Bouillon - Saint-Pierre - et en France : Moulins, Prix, Cons-la-Grandville , Sancy, Château-Porcien et Evergnicourt.
Aujourd’hui Mirwart est un très joli village-rue, égrenant ses petites habitations du 18ème et du 19ème siècles, parfois en pans de bois, organisé entre deux pôles : l’église Saint-Roch (néo-gothique, 1869, sur les plans de l’architecte Cordonnier de Neufchâteau) et les jardins du château. A côté de celui-ci se trouve l’ancienne ferme du château et en contrebas le vieux moulin, invention antique, le moulin à eau est médiéval par l’époque de sa véritable expansion (Marc BLOCH). Bref nous nous trouvons face à une véritable configuration médiévale où se révèlent ceux qui prient, ceux qui guerroyent, ceux qui travaillent !
Arville
Quittant Mirwart, au carrefour de la chapelle Notre-Dame de Walcourt, vous prenez la direction de Saint-Hubert. Après environ 5 kilomètres, prendre à droite en direction d’Arville. Dans la descente, le regard se posé à droite sur une des cinq fermes de la « Petite propriété terrienne » construites en 1961 sur les plans de l’architecte Jean Cosse : le logis est bien séparé de l’exploitation agricole. Plus bas, après les virages difficiles, le regard compare avec d’anciennes fermes tricellulaires (« tout sous le même toit ») rénovées. Enfin, après cette plongée dans les couloirs du temps, prendre à droite en direction de l’église Saint-Paul (1828, néo-classique). L’ayant laissée à sa droite, prendre directement à gauche vers Hatrival.
Hatrival
La dédicace de l’église du village est suffisamment rare pour que l’on s’y attarde. Saint Ursmer est un homme de la génération de saint Hubert, dont l’histoire est fort semblable : né vers 645, véritable fondateur de l’abbaye de Lobbes, à l’initiative de Pépin de Herstal, mort en 716, canonisé en 823, soit deux années avant le transfert du corps de saint Hubert à Andage. Il est permis d’y voir l’intervention de Thierry Ier (1055-1086), considéré comme le plus célèbre des abbés de Saint-Hubert, originaire de Leernes, formé à l’abbaye Saint-Ursmer de Lobbes.
Sous son impulsion, l’abbaye connaît un développement remarquable et devient un foyer de culture. L’expansion s’accompagne de constructions nouvelles. Des embellissement sont apportés à l’église. C’est une époque de vie intense, marqué par un renouveau religieux et intellectuel. Les arts entrent dans une phase de large épanouissement et participent au développement qui se manifeste dans la plupart des cloîtres. On y voit briller la littérature, la peinture, la gravure sur bois et sur pierre fine, la musique. Le monastère est doté d’une importante bibliothèque et des écoles renommées sont ouvertes. D’habiles copistes s’emploient à la transcription de livres que des artistes ornent de riches enluminures. (Extrait du catalogue d’exposition « Terre et abbaye de Saint-Hubert, 1973, p.28.)
L’église actuelle du village date de 1864. Elle est de style néo-gothique. Sur la route de Libin se trouve la chapelle Notre-Dame de Bonne Conduite, datée de 1670, remise à neuf en 2004 par les habitants du village, sous la direction du Curé R. Cornerotte.
Vesqueville
L’église néo-gothique Notre-Dame a été construite vers 1906 par l’architecte Würth de Neufchâteau. Le sommet de la tour rappelle les clochers du type clunisien (un bel exemple se trouve encore à l’église romane de Saint-Séverin-en-Condroz, ancien prieuré de Cluny). Sans doute, l’architecte a-t-il voulu rappeler l’importance de l’ordre bénédictin, celui de l’ancienne abbaye de Saint-Hubert. Ce motif sera repris par le concepteur de la tour campanile du Monastère Notre-Dame à Hurtebise (vers 1938). Pour s’y rendre, le chemin de campagne est un peu compliqué, mais vaut le détour. Prendre la route vers Saint-Hubert ; à l’îlot directionnel, prendre à droite ; la route suit le ruisseau du Serpont ; au carrefour, prendre le chemin qui monte vers le monastère d’Hurtebise.
Hurtebise
Le monastère Notre-Dame fut fondé en 1937 sur un bien légué par un membre de la famille de La Vallée Poussin. Ce monastère, centre de retraite apprécié, héberge des moniales bénédictines.
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